Dans un contexte de transition énergétique et d’avènement de l’industrie 4.0, la start-up française MOÏZ innove dans le domaine de l’IoT industriel avec une solution économique et écologique pour la captation des données.
La chaleur fatale : un gisement énergétique insoupçonné
MOÏZ a bientôt 10 ans. Les recherches aux prémices du projet ont en effet débuté en 2015, au sein d’un projet européen avec une équipe de recherche de l’Institut Néel, un laboratoire de recherche fondamentale en physique de la matière condensée du CNRS.
« On se posait la question d’intégrer sur un chip de silicium des micro-sources de récupération d’énergie thermique. L’idée était de réussir à récupérer un petit peu de chaleur dans l’environnement et la convertir en électricité », explique Dimitri Tainoff, docteur en physique, co-fondateur et CEO de Moïz.
Un an plus tard, un premier brevet est déposé autour de cette technologie. En 2020, une entreprise dédiée au développement d’une solution à destination des industriels voit le jour.
MOÏZ est donc spécialisé dans la récupération de petites quantités de chaleur fatale. La startup propose ainsi une technologie permettant d’exploiter les pertes thermiques des surfaces pour générer de l’énergie, et ce afin d’alimenter des capteurs industriels, sans pile et sans fil.
Harvestree : des modules autonomes pour capter les données
Il suffit que le petit module développé par MOÏZ, nommé Harvestree, soit posé sur une surface chaude pour qu’il puisse fonctionner en toute autonomie. « La chaleur passe à travers le module, pour être convertie en électricité. Cette électricité va venir alimenter une carte électronique. L’énergie générée peut faire fonctionner jusqu’à quatre capteurs connectés au module. L’information mesurée par ces capteurs est traitée dans un microcontrôleur et envoyée par radio à un relai, installé dans l’usine » détaille Dimitri Tainoff.
Dans les cas d’usages développés par MOÏZ, l’objectif est d’éviter des installations lourdes et coûteuses, à savoir le raccordement par câble électrique des capteurs ou l’usage de piles, qui doivent être changées très régulièrement si on souhaite faire de la captation de données à haute fréquence. Les modules Harvestree se distinguent par leur simplicité, leur adaptabilité et les économies qu’ils permettent grâce à leur fonctionnement autonome avec de l' »énergie gratuite ».
Des applications multiples pour une industrie 4.0 plus efficiente
La solution de MOÏZ trouve une multitude d’applications dans l’industrie où elle permet de faciliter la digitalisation des procédés.
Dans les réseaux de production de chaleur urbaine, installée sur des conduites d’eau chaude, elle permet de superviser les températures. Dans des usines de fabrication d’aluminium de Rio Tinto, lorsque la forte chaleur ambiante rend l’usage de piles compliqué, elle représente une solution idéale pour mesurer et transmettre les différentes données associées aux procédés. Enfin les modules Harvestree peuvent être utilisés pour monitorer le transport de l’énergie électrique, depuis sa production dans les centrales hydroélectriques de la CNR jusqu’à sa distribution dans les postes de transformation Grenoblois avec GreenAlps.
Une autre innovation, actuellement en phase de test et développée en partenariat avec la SNCF, concerne la mesure de la température des câbles caténaires, une prouesse technologique inédite jusqu’alors. La principale difficulté réside dans le fait que l’accès à une alimentation basse tension est rarement possible sur les infrastructures caténaires, rendant l’installation de capteurs à piles non autonomes prohibitivement onéreuse à cause des coûts associés à la maintenance dans ces environnements. Par ailleurs, l’utilisation de l’énergie solaire photovoltaïques s’avère inefficace en raison des particules présentes dans l’environnement qui obstrueraient les cellules, limitant ainsi leur efficacité.
La version de Harvestree, conçue spécifiquement pour le secteur ferroviaire, tire parti de la lumière ambiante pour produire de la chaleur, un procédé connu sous le nom de solaire thermique. Cette chaleur est ensuite convertie en électricité grâce à la thermoélectricité. Et une micro-batterie intégrée au produit stocke suffisamment d’énergie pour assurer son fonctionnement même pendant les jours sombres. Avec les 28 000 km de réseau ferroviaire et l’importance cruciale de la surveillance, d’autres besoins ont été décelés en collaboration avec les acteurs du rail français.
Passer à la vitesse supérieure
MOÏZ a atteint une phase où les applications les plus prometteuses ont été identifiées, la majorité bénéficiant de tests concluants. Pour soutenir sa croissance, l’entreprise prévoit de structurer la production de ses modules à une échelle plus large au sein d’une usine française de l’un de ses fournisseurs. Parallèlement, l’équipe commerciale est en cours de renforcement afin de pénétrer les marchés où les modules Harvestree présentent un avantage compétitif, notamment à l’international.
Une levée de fonds est également au programme en 2024 : « il s’agit du bouton sur lequel il faut que l’on appuie, pour passer à la vitesse supérieure« , annonce Dimitri Tainoff avec enthousiasme.