La startup grenobloise édite des logiciels pour objectiver l’analyse d’images microscopiques et accélérer le travail des praticiens de santé. Elle a développé deux solutions, dédiées à la recherche fondamentale ainsi qu’au diagnostic de maladies chroniques.
L’intelligence artificielle est une arme de choix pour l’imagerie médicale. À Grenoble, l’entreprise MoreHisto met à profit les technologies d’IA pour améliorer le diagnostic et le pronostic de certaines maladies, et particulièrement des cancers.
« Notre but, c’est d’améliorer l’efficacité des soins apportés dans le cadre des maladies chroniques, en se basant sur un logiciel d’image innovant, avec de l’intelligence artificielle, explique David Argenti, CEO de Morehisto. D’un autre côté, nous voulons améliorer le travail continu de la recherche fondamentale, avec notre innovation R&D en interne ».
Automatiser l’analyse d’images microscopique
Plutôt que d’observer à l’œil nu, en comptant et identifiant manuellement les cellules pour caractériser un cancer, les médecins pathologistes pourraient s’appuyer sur un outil technologique à grande valeur ajoutée. « L’analyse au microscope fournit un certain nombre d’images, qui peuvent prendre beaucoup de temps à observer, explique David Argenti. Sans automatisation, les anapaths (abréviation d’anatomo-cyto-pathologiste, médecins spécialisés chargés d’étudier les tissus au microscope) ne peuvent en analyser la totalité. Notre logiciel permet justement d’avoir cette vision globale, ce qui donne évidemment plus d’informations. Cela permet d’avoir une vue macro sur des éléments micro mais aussi d’accélérer le temps, et donc la productivité ».
Un luxe dont ne se priverait pas ce secteur médical, pour faire face à la deuxième cause de mortalité mondiale, avec des moyens humains limités.
« L’OMS rappelle qu’en 2020, les cancers c’est 19 millions de nouveaux cas, pour 10 millions de morts, rapporte David, qui a lui même perdu son père d’un cancer foudroyant. Un chiffre qui malheureusement ne diminue pas. La population vit plus longtemps, est soumise à des stress de société, d’environnement. La malnutrition, l’exposition au soleil participent également à déclencher plus de cancers ».
Un gain en productivité d’autant plus pertinent que les « anapaths », se font rares. L’entrepreneur avance un nombre d’environ 1600 praticiens en France (2021), pour environ 400 000 cancers par an (2018). « Ce sont des professions qui nécessitent des formations longues. On a donc plus de cancers, pour un nombre de spécialistes qui stagne (2,5 anapath pour 100 000 habitants). MoreHisto permettrait à ces praticiens d’aller plus vite face à une demande toujours plus forte ».
Des solutions pour les laboratoires et pour les praticiens
La startup naît de la rencontre entre deux chercheurs de l’INSERM. Un biologiste, le docteur Raphaël Serduc, et un spécialiste de l’imagerie médicale, le docteur Emmanuel Brun, association à laquelle se greffe un anapath, le docteur Jean-Jacques Roux. Ce dernier partage ses problématiques, son besoin de précision, de reproductibilité et d’améliorer sa productivité dans son travail.
David Argenti connaît bien ces chercheurs, qu’il côtoie au sein de l’Université Grenoble-Apes, qui sera le lieu de développement de la technologie. Ensemble, ils conçoivent un outil permettant, grâce à l’intelligence artificielle, d’automatiser l’analyse des images microscopiques.
Deux solutions sont développées. La première, appelée « MoreHisto Classic » dédiée à la recherche fondamentale, pour étudier la composition microscopique des tissus et cellules. « Cette solution R&D est destinée aux laboratoires de recherche en biologie, privés, publics. Elle peut même être utilisée par tous les secteurs qui font de la microscopie, par exemple l’industrie de l’agroalimentaire. On essaie de rendre la solution la plus universelle possible, dès le moment où vous avez une analyse microscopique à réaliser » précise David Argenti.
La deuxième, destinée aux praticiens de santé, pour améliorer le diagnostic des pathologies cancéreuses. Les médecins peuvent ainsi déterminer les bio-marqueurs spécifiques, pour caractériser le cancer, son emplacement ou son niveau d’avancement.
« La solution peut amener plus d’informations pertinentes, et réduit la marge d’erreur. Elle reste un outil d’aide à la décision, nuance le CEO. Le but n’est pas de remplacer les praticiens, mais de leur proposer des solutions, de diagnostic, de pronostic, qui leur permettent de faire les meilleures interprétations ».
Renforcer les effectifs et la cybersécurité
La société est encore jeune. Depuis qu’il a créé MoreHisto en mars 2021, David Argenti et son équipe se sont concentrés sur la phase de Recherche et Développement. Une nouvelle version de la solution « Classic », sera lancée dès le prochain automne. La startup envisagera dans la foulée les procédures réglementaires, avec notamment le marquage CE, dès 2023, pour amorcer son développement international, en Europe et en Amérique du Nord.
Dans son développement, MoreHisto a pu bénéficier du support de Réseau Entreprendre Isère, de l’accompagnement de l’incubateur Linksium, du Tarmac… et a pu se financer grâce aux bourses obtenues auprès de French Tech Emergence (BPI) ou de la région AURA.
Au côté de HPE, David Argenti espère une nouvelle collaboration riche, notamment du point de vue de la sécurité informatique.
« HPE est une entreprise avec un positionnement français, européen et mondial, ce qui est un gros avantage pour une startup, pose le fondateur. Il y a des solutions tout à fait imaginables entre la technologie HPE, en termes de serveurs, et les solutions d’IA. On considère qu’il y a des risques de transfert d’informations sur le Cloud. Les hôpitaux subissent fréquemment des cyberattaques avec des “ransomwares”. On peut imaginer avec HPE des solutions techniques pertinentes et efficaces pour éviter a minima ces attaques.
Une fois opérées les phases de recrutement et de marquage réglementaire, la société envisage de proposer sa solution auprès des médecins pathologistes à l’horizon 2025-2026.