Refroidir les data centers en les immergeant dans un liquide aux propriétés remarquables. C’est une invention de Cool Labs, laboratoire spécialisé dans le refroidissement de l’électronique par liquide. Une méthode plus efficace, mais aussi bien plus écologique, qui pourrait diminuer significativement la facture énergétique et les émissions de gaz à effet de serre des datacenters.

A l’heure où les data centers posent des questions en termes de consommation énergétique, Cool Labs a trouvé la réponse pour réduire drastiquement leur facture électrique et leur empreinte écologique. Ce laboratoire basé à Annecy travaille spécifiquement sur le refroidissement de l’électronique par liquide. La startup propose d’immerger les data centers, et bien d’autres composants électroniques dans des bassins « d’immersive cooling ». Les entreprises pourraient ainsi obtenir un refroidissement bien plus efficace… et bien moins couteux, pour elles, comme pour la planète.

Le taser saisissant d’Immersion4, l’entreprise commercialisant les produits de CoolLabs

Bénéfice thermique, électrique et économique

« Le liquide qu’on développe est 1 500 fois supérieur à l’air en termes de conductivité thermique », affirme le CEO. Au delà de l’efficacité thermique, Serge Conesa pointe du doigt le bénéfice en terme de consommation électrique. Avec le refroidissement par liquide, l’entreprise pourrait en effet réduire ou éliminer un certain nombre d’éléments induits par le refroidissement par air, à commencer par les ventilateurs. « Pour refroidir un verre de champagne, est ce qu’il vaut mieux refroidir toute la pièce ou bien la bouteille ? Ca donne une notion de l’effort qu’on doit produire aujourd’hui pour refroidir les datacenters tradtionnels, illustre Serge Conesa. L’ancienne génération, la mienne, a tout fait à l’envers depuis la nuit des temps. Aujourd’hui, le minimum, c’est qu’on remette les choses à l’endroit pour les jeunes générations ».

Le refroidissement par liquide esquive également tout un tas de problématiques auxquelles les composants électroniques doivent faire lors d’un refroidissement par air. « Aujourd’hui, dans les composants électroniques, on trouve des couches de produits chimiques superposées les unes sur les autres, explique l’entrepreneur-ingénieur. Elles sont là pour éviter la corrosion, l’oxydation, l’humidité, la poussière et l’électrostatique. Tous ces effets sont liés à l’air. Avec le refroidissement par liquide, tout cela n’a plus de raison d’être. Ces effets sont directement annulés ».

Pour ce qui est du refroidissement, l’Ice Coolant, le liquide destiné à l’immersion des data centers, n’élimine pas directement les calories. Il collecte la chaleur et la transporte à un point d’échange, où peut se connecter n’importe quel type de système capable de faire de l’extraction de calories dans un liquide. Les propriétés cet Ice Coolant sont frappantes : Biodégradable, non nocif, très stable, il permet des connexions optiques de toute vitesse avec une garantie de vingt cinq ans. « Il n’y a pas d’évaporation, donc aucun changement à faire à moins que le liquide ait été pollué par une intervention extérieure », précise l’inventeur.

Dans les coulisses du laboratoire CoolLabs, à Annecy

Adapter les produits à « l’immersive cooling »

Le changement de mode de refroidissement implique également d’adapter le matériel électronique. « Chez CoolLabs, on optimise l’électronique des cartes, parce qu’aujourd’hui, elles sont toutes conçues pour être refroidies par air, et non par liquide, informe Serge Conesa. Dans le cadre de l’utilisation d’un serveur ou d’un routeur, on garde l’existant, en faisant en sorte qu’il soit compatible avec une solution de refroidissement par liquide. Concrètement, ça veut dire enlever les pad thermiques, les radiateurs, modifier les Bios… En bref, supprimer tous les éléments qui consomment pour rien et qui prennent de la place inutilement » résume le CEO. 

En plus d’adapter l’existant, Cool Labs produit également de l’électronique conçu pour « l’immersive Cooling ». Serveurs, routeurs, switch optiques, boitiers de l’internet des objets, informatique embarqué… Le laboratoire travaille sur toute une série de produits. « C’est là qu’on change totalement de paradigme, affirme Serge Conesa. On s’aperçoit qu’il y a des gains de place énorme, des alimentations dont on a plus besoin, donc on arrive à des réductions de consommation énergétique colossale ».

En termes de gain d’espace, d’efficacité thermique et de consommation électrique, le refroidissement par liquide pourrait provoquer une véritable révolution dans le secteur des datacenters.


Laboratoire maison, rayonnement mondial

L’élaboration de ce liquide miracle est le fruit d’un long processus, qui commence aux Etats-Unis. « Je travaillais pour une société assermentée par le gouvernement américain, raconte Serge Conesa. J’ai eu l’occasion de répondre à l’appel de la Maison Blanche qui se demandait comment réduire la consommation énergétique, basée sur un modèle industriel dépassé. Et le bâtiment qui consomme le plus d’énergie : c’est le data ccenter ».

L’entrepreneur commence alors à travailler sur la création de son propre liquide de refroidissement. « On a tout fait à la maison, c’est une petite histoire de famille », commente l’ingénieur. Après de longues années de recherches et d’expérimentations, Serge Conesa créé fin 2017 Immersion4, la société qui commercialise les produits de Cool Labs. 

Deux premiers liquides sont lancés en 2021, l’Ice Coolant pour les data centers, l’Iceminers pour le minage. « Le produit est déjà déployé à la SNCF, à l’ENS Lyon et on a des démonstrateurs chez HPE à Genève, Dubai, Ryad, au Maroc et au Japon. On est dans la phase d’expansion et d’évangélisation de ce nouveau mode de refroidissement » affirme le CEO. Deux autres liquides, dédiés aux antennes et aux transformateurs électriques, sont prévus pour début 2022.

Pour préparer le terrain, Cool Labs noue également des partenariats avec des acteurs qui veulent anticiper ce changement de méthode de refroidissement. « On travaille avec HPE pour développer dans le futur des serveurs qui seront nativement immersifs » illustre Serge Conesa. Si les datacenters représentent un large chantier, l’entrepreneur compte s’attaquer à bien d’autres secteurs de marché. « Notre objectif, c’est d’avoir le plus de clients satisfaits. Et nos clients, ce sont tous ceux qui ont de l’électronique à refroidir. Ca peut être des opérateurs Telecom, des banques, des industries, des marchés civils ou militaires ». Qui est chaud pour se faire refroidir ? 

Après près de dix ans de recherche et développement, Serge Conesa a lancé Immersion4 fin 2017, pour entamer la commercialisation des produits de CoolLabs.

Share This