Fieldcloud développe des systèmes d’intégration informatique pour connecter le terrain et le cloud. Une activité boostée par l’essor de l’Edge Computing, destinée aussi bien aux villes intelligentes qu’aux applications industrielles. 

Rapprocher le terrain et le Cloud. C’est le travail que Matthew D. Smith réalise avec Fieldcloud depuis maintenant douze ans. Et même depuis trente ans si l’on prend en compte sa carrière chez Eskom, l’équivalent sud-africain d’EDF, puis chez Schlumberger. Des « terrains », il en a foulé de nombreux. « Ça peut être une plateforme pétrolière, une centrale électrique, une usine, une mine, un chantier naval ou une ferme » énumère le natif de Durban.

Sur ces différents espaces, Matthew fournit l’ingénierie, les systèmes d’intégration et le conseil technique pour récolter les données et les expédier vers le Cloud : Bienvenue dans le monde de l’Edge Computing, la technologie du domaine de l’IoT qui permet de traiter ou stocker des données localement.

Fieldcloud connecte l’équipement, c’est-à-dire les machines, les instruments, les capteurs et les personnes qui peuvent être sources de données. Matthew utilise pour cela des « gateway systems », également appelés passerelles, pour relier les instruments et les réseaux SNCC (système numérique contrôle-commande), à savoir le réseau opérationnel qui permet de piloter un ensemble de procédés. « Cela permet de décloisonner deux milieux qui sont parfois trop distants et trop conflictuels » explique le CEO.

Plateforme pétrolière, traitement d’eaux usées et stations de ski

L’histoire de Fieldcloud démarre en 2009, sur une plateforme pétrolière en Angola. Un ancien client de Schlumberger opère sur le site et fait appel à Matthew pour concevoir l’architecture globale d’un système d’acquisition et de supervision de données pour cette plateforme. « Le matériel était très « oldschool », se rappelle Matthew. C’était une rude épreuve d’être mobilisé en Angola, de prendre un hélicoptère pour aller sur la plateforme, de décharger les cargaisons de bateau et de porter du matériel de 50 kilos sur le dos, pour l’installer dans des salles trop étroites… Je voyais la vétusté et l’obsolescence. Ça marchait, mais le futur ne pouvait pas être comme ça ».

L’expérience angolaise déclenche une réflexion chez Matthew, qui entend développer des instruments miniaturisés et s’appuyer sur des systèmes plus compacts. En 2011, FieldCloud sort la NS-Box, un appareil informatique périphérique plus léger et plus économe en énergie, qui permet d’envoyer continuellement des données au Cloud.

La NS-Box, périphérique léger permettant de traiter et stocker les données directement sur le terrain

Pendant les cinq premières années, FieldCloud travaille presque exclusivement avec des partenaires du milieu pétrolier. Mais la chute du prix du baril, fin 2014, oblige l’entreprise à prendre un virage vers d’autres secteurs d’activité.

Matthew commence à travailler avec Veolia, pour connecter les équipements des usines de traitement d’eaux usées. En 2016, Fieldcloud collabore avec une startup grenobloise qui développe des capteurs pour mesurer la hauteur de neige dans les stations de skis des Alpes. L’entreprise se porte bien, les projets se multiplient et Matthew s’entoure de trois associés pour accompagner cette croissance.

évangélisateur de l' »Internet of things »

A cette période, l’« IoT », l’internet of things (le monde des objets connectés), commence à devenir à la mode et de nombreuses entreprises font appel à l’expertise de FieldCloud afin de faire connaître l’IoT dans les unités de direction commerciale des entreprises. Matthew D. Smith devient alors un évangélisateur de l’IoT. Une activité nouvelle, davantage axée sur l’apprentissage et la pédagogie… Qui va perturber l’équilibre financier de Fieldcloud.

Plusieurs entreprises font appel à Matthew pour animerdes « workshops » et formations autour de l’IoT. Mais les ateliers d’évangélisation n’ont pas le succès escompté. « C’était une belle expérience, mais un désastre commercial, résume le patron. FieldCloud doit se séparer de quelques collaborateurs et trouver les ressources pour rebondir.

« En 2018, je me retrouve seul avec les vestiges de la boîte, à deux doigts de déposer le bilan. J’ai dû me recentrer sur le cœur du savoir faire FieldCloud ». Matthew collabore de nouveau avec Veolia sur un nouveau centre de traitement d’eaux usées en Allemagne. Il développe une nouvelle génération de passerelles IoT (IoTEdge v3), engage de nouveaux partenariats, avec HPE, SFR, Software AG et signe de nouveaux clients, notamment le groupe chimique français Arkema. FieldCloud refait surface et est prêt à attaquer de nouveaux marchés, notamment en Afrique.

Le mariage de l’ingéniosité africaine et de la technique européenne

Si la phase d’évangélisation sur l’internet of Things a causé des déséquilibres financiers, elle a tout de même permis à FieldCloud de tisser un réseau sur le continent africain. L’opérateur de Telecom anglais Inmarsat a notamment fait appel à Matthew pour organiser une série de conférences pour Smart Africa, une initiative panafricaine visant à accélérer le développement socio-économique du continent grâce aux technologies de l’information et de la communication. Nous sommes alors en 2017 et Matthew repose le pied sur le continent africain, vingt ans après avoir été envoyé au Nigéria, lors de l’épopée Schlumberger. Il passera par le Niger, la Cote d’Ivoire ou le Rwanda, rencontrant en chemin des intégrateurs réseau, des représentants politiques, des agences africaines et des clients potentiels, intéressés par son expertise en Edge Computing.

Matthew D. Smith animant une conférence sur l’internet des objets à Dakar, en 2018

Il fait notamment la connaissance de Micheal Nayebare, un jeune Ougandais qui s’occupe depuis 2019 de l’antenne FieldCloud située à Kigali, au Rwanda. À la fois consultant et ingénieur, Micheal dirige les opérations sur le marché africain. Il est chargé du développement logiciel et de la mise en place des interfaçages entre terrain et cloud… Sauf que ce terrain n’est plus le même.

Au Rwanda, Fieldcloud a délaissé les plateformes pétrolières pour les plantations de thé et café. L’entreprise collabore aussi avec une entreprise spécialisée dans la culture du piment, dont le marché est en forte croissance. « L’agriculture est sous-digitalisée en Afrique alors même que c’est un secteur critique pour l’économie de demain, déclare Matthew. Nous apportons des solutions de Cloud Computing pour améliorer la connectivité et la productivité de ces entreprises agricoles ».

Passer à l’échelle d’ici 2023

Après être retombé bien bas, Fieldcloud a retrouvé ses clients, son appétit et ses ambitions. Les entreprises de tous secteurs s’intéressent de près à l’Edge Computing et Matthew Smith s’attend à une croissance forte ces prochaines années. « C’est la suite logique des projets de transformation numérique. Aujourd’hui, les SNCC sont en voie d’obsolescence et les entreprises doivent opérer la convergence des systèmes informatiques (IT) et des systèmes opérationnels. Avec Fieldcloud, on a pratiqué ça depuis douze ans. Avec notre expérience et notre légitimité, il est temps de passer à l’échelle ».

Pour satisfaire ses ambitions, Fieldcloud compte bien s’appuyer sur HPE et son réseau de partenaires. Le Sud-africain évoque une réelle « complémentarité technologique » et « une même vision du cloud ». « Au niveau philosophique, on est en phase. Le cloud doit être présent sur le terrain, dans les bureaux… Il n’appartient pas que à Amazon ou Microsoft : Il est chez le client, dans ses locaux », affirme le CEO.

Matthew D. Smith lors du Festival Transfo » organisé par HPE en 2019

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