Un boîtier lumineux et portatif qui retranscrit les sons à travers différents flashs de couleur. C’est une invention de la startup Azur Tech Concept, basée à Sopia Antipolis, qui a lancé en 2018 SmartEar, une innovation qui améliore la sécurité et le confort des sourds et malentendants.

« C’est un système qui permet aux personnes sourdes et malentendantes de voir le son, décrit Sébastien Llorca, dirigeant associé de Smartear. Il se matérialise par un boîtier équipé d’un micro qui va écouter en temps réel tout ce qui se passe sur l’habitat ou sur le lieu de travail de la personne. Il va retranscrire ce qu’il entend sous forme de signaux lumineux, qui apparaissent sur d’autres petits boîtiers portatifs, ainsi que sur des objets connectés, comme une télé ou un smartphone ».

Sébastien Llorca décrit ici le fonctionnement d’un objet innovant qui permet de prévenir les personnes malentendantes de ce qu’il se passe autour d’elle : Ce système permet d’identifier le bruit et de le traduire… Par une couleur, qui clignotera sur le Smartear. L’utilisateur définit lui-même les sons qu’il souhaite enregistrer et les couleurs qu’il veut leur associer. Par exemple, un « flash » violet pour un bébé qui pleure, un bleu pour une sonnerie de porte ou un rouge pour une alarme incendie. L’objet cible tous les sons du quotidien relatifs à la sécurité et au confort des personnes malentendantes.

Empreinte sonore et intelligence artificielle

Ce genre de fonctionnement existait plus ou moins déjà avec les décibelmètres, qui émettaient un flash dès lors que le bruit dépassait un certain niveau sonore. « Le problème de ce mécanisme, c’est que le moindre son va entraîner un flash, précise Sébastien. Donc il n’y a pas d’empreinte sonore et la personne sourde ne peut pas savoir à quoi correspond le bruit. Notre idée, ça a vraiment été de travailler sur un algorithme qui analyse le son pour qu’on sache à quoi il correspond par le code couleur ».

En constante évolution depuis son lancement en 2018, le produit intègre désormais des technologies d’intelligence artificielle, qui servent notamment des objectifs de sécurité. « On peut détecter automatiquement des cris d’alerte, tels que des appels à l’aide ou des sons de détresse. Pas besoin de l’enregistrer au préalable, l’entraînement du modèle « Dataset » permet de repérer des mots-clefs. À chaque fois qu’il les reconnaît, SmartEar émet un signal et prévient une personne référente, un aidant, via une notification » explique Sébastien Llorca. Cette nouvelle fonctionnalité élargit le potentiel et le marché de l’entreprise. Au départ destiné exclusivement au public sourd et malentendant, SmartEar s’adresse désormais aussi au marché de la téléassistance.

Changer le quotidien des malentendants, à la maison comme au travail

Cette innovation entraîne des changements majeurs pour le quotidien des malentendants, qui peuvent appréhender l’espace et sécuriser leur habitat, qui plus est à moindre coût. C’était l’un des objectifs poursuivis par Cédrik Sénechal, CTO de SmartEar et spécialiste en domotique. « Cédrik a équipé une personne sourde en domotique, en posant des capteurs sur les équipements que le client souhaitait entendre, raconte Sébastien Llorca. Pour l’installation sur tous les équipements d’une maison, la facture s’élevait à plus de 8 000 €. C’est un budget lourd. Aujourd’hui, plutôt que d’avoir des boîtiers avec des capteurs dans tout l’habitat, SmartEar propose un seul boîtier qui va écouter l’ensemble des sons ». Le tout pour un prix de 1 240 €. Et encore, le SmartEar peut être bien moins cher pour une utilisation professionnelle.

L’Association de gestions du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) propose en effet un financement à 100% du boîtier afin de favoriser l’insertion des personnes handicapées dans les entreprises. Air France, Veolia, Bayer ou Sodexo utilisent déjà la solution qui facilite le travail des malentendants, tout en permettant aux entreprises de répondre aux normes de sécurité. « Par exemple, si une entreprise comme Air France veut équiper un hangar de fabrication d’A380 où travaillent des personnes sourdes, il faut pouvoir les prévenir si un incendie se déclenche dans l’immeuble principal. Dans ce cas, on met le SmarEar à proximité de ce bâtiment, et on relaie le signal directement à la personne sourde sur un de nos boîtiers portatifs » illustre le dirigeant d’Azur Tech Concept.

Nouvelles fonctionnalités, nouvelles ambitions

 

Après trois années de Recherche et développement, de dépôt de brevet et de test, Azur Tech Concet déploie une première version de SmartEar à partir de 2018. Depuis, la solution n’a cessé d’évoluer. Connexion Bluetooth et wifi, amélioration du système de reconnaissance avec l’intelligence artificielle, possibilité d’enregistrer les sons directement sur internet, d’afficher les signaux sur des objets connectés… L’entreprise propose aujourd’hui un outil complet. Le lancement ce mois d’octobre de la Smartear Box, en partenariat avec Azaé, un organisme spécialisé dans le service à la personne et l’aide à domicile, permettra d’ouvrir la solution au marché de la téléassistance.

« On veut équiper au moins 5% des personnes qui travaillent dans l’aide à domicile chez Azaé, soit entre cinq et six mille personnes, confie Llorca. Notre but, c’est d’être référent dans le monde des sourds et malentendants ainsi que dans le monde du handicap et de l’aide à domicile ».

En plein développement commercial, l’entreprise peut compter sur Mathieu Boyer, bilingue en langue des signes et lui-même enfant de parents sourds, dit « CODA » (children of deaf adult). Le responsable commercial connaît bien la mentalité, les coutumes et les problématiques de ce public. Azur Tech Concept s’appuie également sur une base d’ingénieurs, notamment pour développer les technologies d’intelligence artificielle. Un sujet pour lequel le partenariat avec HPE pourrait s’avérer précieux. « Cette association peut nous permettre de structurer et de bien architecturer notre IA, de manière à rendre le modèle plus robuste et d’arriver à des puissances de calcul plus intéressantes, explique Sébastien Llorca ».

Cette première invention, primée à de nombreuses reprises, annoncera dans le futur de nouvelles solutions technologiques, pour améliorer encore le quotidien des sourds et malentendants, qui représentent sur la planète près d’un demi-milliard de personnes.

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